Objectif [solo]

Messages : 8 Date d'inscription : 11/10/2009

Beaucoup se sont endormis, mais certainement pas lui. Au contraire, il dévore des yeux le fragment d'espace que le hublot lui offre parcimonieusement. Les étoiles sont presque plus nombreuses dans ses yeux que là dehors. Des heures déjà, et loin de se lasser de regarder, on dirait qu'il est de plus en plus excité.

Quand l'hôtesse s'approche de lui et l'interpelle, il sursaute presque à en décoller de son siège.

Monsieur D'Angeli... Nous approchons.
Si vous voulez bien me suivre...

Et là il lui sort un sourire de gosse le matin de Noël, immense, ravi, lumineux. La pauvre fille en avale de travers. Il se lève en attrapant au passage une valisette noire, et s'empresse de la rejoindre dans la travée centrale.

Et comment que je vous suis !

Il n'ajoute pas "de très près", c'est implicite. Il n'ajoute pas "avec empressement", c'est évident. Il n'ajoute pas "jusqu'au bout du monde", même si c'est à peu près le cas...

Le bout du monde est là devant, derrière la porte du cockpit que la jeune femme ouvre pour lui, et qu'il franchit comme dans un rêve, en ne remarquant pas qu'il la frôle au passage, et qu'elle en rougit furieusement. A peine un "merci..." distrait, et encore, est-ce bien à elle qu'il s'adresse ?...

Devant lui, les sièges des pilotes. La vaste baie polarisée.
Et le Codex One.
Immense. Terriblement différent. Incomparable. Unique.
Une splendeur qui lui coupe le souffle, lui fait tonner le sang aux oreilles.
Gigantesque coléoptère aux élytres irisées pris dans l'ambre translucide. Un joyau dans une bulle, cuivre et or dans l'éclat du soleil. Fascinant et mystérieux comme un trésor au fond de l'eau.
Il en a les yeux humides.

Avec efforts, il s'arrache à la vision dont il rêve depuis des mois, pose au sol la valisette noire et en fait jouer la fermeture. Puis il en extirpe un appareil sombre muni d'un objectif impressionnant, néglige d'en passer la sangle autour de son cou, s'approche encore de l'avant de la navette. Ce n'est plus le bout du monde. Le monde l'attend là-devant. Son monde choisi, pour le temps qu'il faudra.

Lentement il élève l'appareil devant son visage, effectue les réglages en quelques gestes vagues, sans même y penser. Debout entre les sièges du pilote et du co-pilote, il caresse des yeux l'objet de son obsession, à travers les optiques qui l'approchent enfin de lui, d'elle, de ça...
Le déclenchement de l'appareil est presque insonore. Lui en tout cas ne l'entend pas. Il ne l'entend plus...

Près d'une heure plus tard, quand l'hôtesse vient le chercher pour le ramener à son siège pendant les manoeuvres d'approche et d'arrimage, elle doit lui toucher le bras pour le tirer de sa transe. A deux reprises. Et il lui faudra de longues minutes pour qu'il fixe à nouveau son regard sur quelque chose de tangible.